Douce soirée

Meredith avait passé la journée à s'occuper de sa jument, qui semblait d'ailleurs s'être habituée à son nouvel environnement. Elle avait retrouvé son compatriote dans la carrière, et ils avaient sauté, jaugeant leur niveau par rapport à celui de l'autre. La jeune femme avait hésité à proposer à son compatriote d'aller dîner quelque part, mais elle avait finalement renoncé. Il lui avait semblé qu'il n'allait pas très fort, et se posait beaucoup de questions. Elle s'était isolée ce soir dans la salle commune.

Comme une jeune fille encore fragile, elle avait remonté ses jambes sur le canapé et y appuyait à présent son fin visage, les yeux comme perdus dans le vague.

Après la nuit de la veille assez chargés avec la rencontre d'un Allemand et notre nuit, j'étais partis sauter dans la manège avec mon cheval aujourd'hui. J'avais rencontré en passant une jeune adolescente de ma nation qui était plutôt intelligente. Après une bonne nuit et une bonne journée, j'étais légèrement fatiguée mais je gardais cependant toute ma lucidité pour venir dans la salle commune.

Une femme s'y trouvait, une femme que je ne connaissait pas encore. Elle me semblait fragile et sensible. Je m'en approche pour faire connaissance avec.
- Bonjour.
Je ne dis que ce simple mot audible à la personne en face de moi et m’assois sur un siège face à elle. Mon accent bel et bien français allait ce faire ressentir dans les oreilles de celle-ci. Quel accent avait-elle ? Germanique ? Italien ? Marocain ? Ou encore Français comme moi ?

La jeune femme n'avait même pas entendu l'inconnue approcher. Pourtant, quand sa voix perça le silence, elle n'eut aucun mouvement de surprise. Elle leva les yeux vers la jeune femme, qui semblait pourtant plus âgée qu'elle. D'un autre côté, Meredith avait un profil de femme-enfant. Elle changea de position, pour se mettre en tailleur finalement, et, de sa voix à l'inflexion allemande, répondit, avec un sourire :

« Bonjour. Je m'appelle Meredith, et toi ? »

Elle était contente de rencontrer quelqu'un de nouveau, alors qu'elle était encore sous le charme de sa première séance d'obstacles ici avec sa jument.

Elle change de position pour se mettre en tailleur et moi je croise juste les jambes, comme si je paraissait sérieuse alors que je ne mangeais personne. Son accent était Germanique ! Une Allemande, encore ? J'aurais en tout croiser deux Allemand, une française et un italien. La personne m'ayant tout de même le plus marqué et un Allemand de trente-deux ans : Mark Ehning. Il m'aura fait tout voir.

Quand j'écoute la voix de Mérédith, je laisse un sourire se dessiner sur mon visage en repensant brièvement à lui.
- Pénélope. Allemande ?
Je lui pose cette question si stupide puisque je connais déjà la réponse. Une rivale. J'ai hâte de la voir sur le terrain mais pour moi : personne n'est un parfait adversaire sans connaitre tout de lui ou elle. Ces techniques,  ces options, son caractère, son histoire ... Jusqu'ici, j'ai su gardé presque tout pour moi. Mais elle ?

Meredith n'avait jamais eu cet esprit là. Pour elle, même dans ce monde de compétitions, il devait y avoir de la place pour l'amitié et pour l'amour. Mais son chemin était particulier, et elle en parlait en riant, disant qu'elle était arrivée là comme par erreur. Mais, et au fond elle le savait, dans ce monde là, l'erreur n'existait pas. Si elle avait été envoyée ici, c'est que, pour elle, ils avaient eu des projets et que, jusque là, elle s'en était montrée à la hauteur. Elle venait de passer une bonne journée, alors qu'elle était arrivée l'avant veille à peine ! Elle n'avait rencontré que Mark, qu'elle avait vu et le premier jour, par hasard, et le second, par hasard aussi. Mais déjà, elle revenait à sa conversation.

« Enchantée de rencontrer une Française ! C'est ma première fois dans ton pays ! Enfin, je suis déjà passée par Paris, mais pas plus d'une semaine ! Oui, tout à fait ; je crois que nous sommes deux, enfin, j'ai déjà rencontré Ehning, mais .. je ne sais pas si tu le connais ? »

Meredith souriait, alors que son téléphone, posé à côté d'elle, ne cessait de vibrer : l'on essayait de la joindre, mais elle ne semblait décidée à décrocher !

Sur un parcours, il n'y avait pas de place pour les autres, pour les rivaux. Il fallait courir pour son pays, sans avoir de remords de battre son ami, son amour. Mais une fois le pied à terre, une fois le chronomètre arrêté ; pourquoi ne pouvait-il pas y avoir d'entraide, d'amitié, d'amour ? Si un cavalier chutait, pourquoi son ami, d'une nation étrangère peut-être, n'entrerait pas dans la carrière pour l'aider ? Mais chacun avait sa propre vision des choses, et Meredith, elle, voyait leur monde sous cet angle. La femme-enfant remarque que l'expression de Pénélope avait changé, alors qu'elle mentionnait le nom de l'Allemand. Ils se connaissaient, mais peut-être qu'entre eux, le courant n'était pas passé ?

« Ah ! Et dans quelles villes ? Il faut dire que, là-bas, on ne s'ennuie jamais ! Comme quoi, le monde est petit ! Vous vous connaissez bien ? On dirait qu'il y a comme de la tension dans ta voix, non ? Euh, c'est à dire que ... je ne le connais pas encore très bien, mais je le trouve assez charmant, et surtout, il est vraiment sympa et drôle ! »

Le regard plein de vie de Meredith glissa sur le vêtement qu'elle portait : une robe d'été, assez courte et élégante. Un sourire amusé passa sur son visage : c'était Mark qui la lui avait offerte, par un étrange concours de circonstances il fallait bien l'avouer !

La jeune femme, de nouveau, semblait avoir l'esprit ailleurs, alors qu'elle jetait à son téléphone un étrange regard, où crainte et envie semblaient se mêler pour ne faire plus qu'un. Meredith interpréta les paroles de Pénélope, mais garda toutes ces informations pour elle. Après tout, elle s'en moquait bien : il n'y avait rien entre Mark et elle, sinon un profond respect, et peut-être le début d'une amitié complice. En tout cas, c'était l'impression de Méré : pour elle, un homme tel que son compatriote ne pouvait l'aimer. Ils étaient différents, et le jeune homme semblait venir d'un autre monde, ce qui le rendait presque inaccessible.

« Charmant & drôle, mais je pense qu'il s'intéresse déjà à quelqu'un ! Peut-être à toi, qui sait ?! »

Un large sourire peignait son visage fin aux traits purs, alors que, sans prévenir, elle se leva pour venir s'asseoir juste à côté de la Française : méré était ainsi, spontanée, franche et surtout, sociable. Après tout, peut-être que Pénélope finirait par croire en l'amitié même en compétition ?

Penelope semblait un peu distante et méfiante, ce qui étonnait la jeune Allemande. Ils étaient allés bien loin ? Cela voulait à la fois tout dire et rien dire. Meredith tenta alors d'éclaircir cette situation qui devenait étrange :

Aïe ... cela n'était jamais très bon un homme qui s'évaporait de bon matin. Mais Meredith était étonnée d'apprendre ça de Mark ... Il lui avait semblé droit, loyal et sincère. Qui sait, peut-être qu'il ne s'était pas senti bien, qu'il avait eu un quelconque problème ? Et peut-être que Pénélope était au courant pour sa cicatrice, puisqu'ils avaient couché ensemble. La femme-enfant décida de poser la question :

Si Meredith était surprise du changement de ton de Pénélope, le fait que Mark ait refusé de lui parler de sa cicatrice lui semblait davantage étrange encore. L'Allemand avait, de toute évidence, un lourd secret à porter, et il ne semblait pas décidé à en parler. Alors qu'elle s'apprêtait à répondre à la question de Pénélope, la femme-enfant eut un sourire presque amusé. Mais déjà, elle s'empressait de répondre :

Le père de Mark était donc mort ? L'Allemand n'avait qu'une petite trentaine d'années à son actif, et il n'avait déjà plus son père ? Intérieurement, Meredith se promit d'en parler avec lui : peut-être était-ce cela qui le rendait si triste et distant parfois ? Et surtout, quel âge avait-il le jour où l'accident était arrivé ?

Les réactions de la Française étaient étranges, et légèrement blessantes. Elle venait de lui raconter un tas de choses, et elle se refermait aussitôt. Piquée au vif, Meredith ne put s'empêcher de répondre.

Sans un mot supplémentaire, Meredith se leva. La soirée était bien entamée, et demain serait sans doute une grosse journée. Aussi, la jeune femme prit la liberté de s'en aller, sans demander son reste ni même dire au revoir.

Qu'est ce qu'ils ont tous à ne pas vouloir me dire un simple "au revoir", c'est compliqué ou quoi ?! Tant pis, je me lève une fois l'Allemande partit puis je repars de mon côté.

OUT. =)